Análisis lacaniano
  La mère, l'enfant et la mort
 

 

LA MERE, L´ENFANT ET LA MORT.

 

ERIC MOREAU.

 

 

La Maternité.



La maternité chez la femme peut venir remplir la fonction d´une illusion qui consiste à penser que ce qui lui manque peut être récupéré. Ce qui lui manque c´est un enfant et en tant qu´il la complète, il est l´objet phallique. Il occupe symboliquement le lieu du phallus maternel.

Du point de vue de la jouissance phallique, il y a une prémisse universelle qui s´ énonce tel un impératif surmoïque: “il doit y avoir le phallus.Dans le désir de grossesse, il y a un attrait pour obtenir ce qu´il manque à la femme à savoir la maternité.Ceci est d´autant plus évident lorsqu´une femme est affectée par l´infertilité et qu´elle fait appel aux techniques les plus sofistiquées de la fertilisation assistée, exercant toute sa volonté pour avoir un enfant alors même que son désir d´enfant n´est pas nécéssairement en place.Si l´enfant vient à combler une béance, il sera aimé pour cette raison et son désir en tant qu´enfant sera d´être l´objet du désir de la mère.Il complétera sa mère et se constitura lui-même sur une assise narcissique.Le désir est désir de l´Autre en tant que la mère le désire comme phallus.

Ce que le sujet soutient le plus, c´est que la mère a le phallus.Il y a une grande résistance chez le sujet à reconnaitre la castration de l´Autre parce que reconnaître que la mère est castrée, qu´elle n´est pas toute, implique la chute du sujet de sa place de phallus maternel.

Le désir de la mère est donc dans un premier temps désir de phallus.

Nous ne serons donc pas étonnés de rencontrer une telle hypothèse dans les études psychanalytiques sur les fantasmes de la femme enceinte.Le travail de Mme Lemoine (Lettres de l´Ecole n°11) illustre trés bien cette perspective:elle fait l´hypothèse que l´enfant est mis comme un bouchon à la place du signifint femme manquant chez une patiente qui ne peut pas se parler comme femme, et qui a décidé de faire un enfant pour devenir femme sans passer par l´homme. Elle se vit comme n´ayant jamais été déflorée.Dans notre pratique nous avons pu confirmer ce point de vue et repérer une prolifération des fantasmes sexuels, d´inceste, d´homosexualité, de perversions, de fécondation unicellulaire,  de reproduction non sexuée , l´enfant parasite, serpent, insecte etc. qui rappellent les premières théories sexuelles infantiles afin de répondre à la question de l´origine.

Mais nous attirerons l´attention sur des représentations et des rêves qui viennent se présenter en rupture avec la sexualité et l´érotisme laissant apparaître un sentiment d´inquiétante étrangeté,l ´impression qu´un corps étranger habite à l´intérieur de l ´utérus, une  sensation d´une présence inconnue qui peut aller jusqu´à la crainte d´une agression mortelle.L´enfant peut être vécu comme un criminel et sa mère meurtrière.C´est à ce niveau que nous repérons un fantasme récurent chez les femmes enceintes au cours d´une analyse celui de l´enfant mort.Ses différentes figures sont les suivantes:

Un enfant est mort, un enfant est assassiné, un enfant s´est noyé, un enfant s´est perdu, un enfant a disparu.Il s´agit d´un paradoxe puisque la sexualité et la fonction de reproduction ont pour tâche créer des vies nouvelles alors que chez la mère soudainement en rêve un enfant disparait ou meurt.

L ´hypothèse qui peut être avancée est que le signifiant de l´enfant mort est ce qui est au premier temps de l ´origine de la structure du sujet de

l ´inconscient.Ce temps originaire serait celui de la pulsion de mort.Ce qui est à notre origine c´est la mort, la mort d´un enfant ou pour mieux dire, la disparition d´un enfant.La fonction donc de la pulsion de mort à l´origine de la vie est de faire disparaitre un enfant à sa mère.Au premier temps de la structure du sujet de l´inconscient,un enfant est séparé de sa mère, c’est l´enfant du désir de la mère,l´enfant de l´inceste, l´enfant phallique, objet du désir, celui qu´il faudra tuer pour qu´un autre naisse, pour qu´un nouveau sujet apparaisse.A l´origine éros et thanatos se partagent les eaux.Eros procrée un nouvel organisme , multiplie de nouvelles unités tandis que thanatos sépare la mère de l´enfant, seccione l´accolement des unités , divise les sujets.L´enfant mort représente donc l´enfant phallus qui est appellé à être perdu, moment de la perte de l´objet repérable dans la clinique comme effet du réel de l´obet a qui a laissé un trou dans la structure.La mort du désir de la mère représentée par ces fantasmes de disparition de l´enfant permettra qu´advienne un fils dans la relation de filiation , ce que l´on peut déjà saisir au niveau de la reproduction et de la fécondité durant la gestation à travers les formations de l´inconscient qui à travers le mouvement pulsionnel introduit le premier temps de la loi avant qu´elle ne soit symbolisée comme interdit dans le langage et les régles d´alliance et de filiation, condition pour que le sujet s´inscive dans une généalogie en le situant comme fils et père.

C´est donc au coeur même de la fonction de reproduction,durant la période de gestation que nous avons pu localiser dans la clinique la fonction de la pulsion de mort.L´enfant mort est en fait l´enfant phallique qui se soustrait au désir de la mère, en tant que désir de l´Autre. .Ce mouvement de disparition au champ de l´Autre correspond à ce que Lacan a décrit comme fading du sujet, mécanisme de soustraction du narcissisme phallique entre l´enfant phallique et sa mère.Par ce mouvement pulsionnel le sujet disparait face à la demande maternelle , opposant une première négation, face à l´impératif phallique. “Tu es le phallus.”Le manque est introduit dans le symbolique au niveau du sujet par cette opération pulsionnelle, fondant ainsi le sujet de la pulsion qui s´expulse du champ de la demande .

 

La Fécondité.

 

Nous proposons d´examiner l´origine du sujet dans ce moment inicial de l´articulation de la rencontre de l´organisme et du langage au moment même où les processus biologiques sont décisifs,  à savoir au cours de la grossesse , elle-même encadrée par la fécondation et l´accouchement.

Or il est intéressant de faire à ce propos un détour par la philosophie d´Emanuel Lévinas afin de comprendre comment la maternité met en relation la mère et l´enfant en tant que le manque qui est la structure du sujet parlant et caractérise cette relation par une irréductible différence.En effet pour la mère , l´enfant est un autre, un étranger mais qui tout en étant autrui contient une partie d´elle même.C’est une relation du moi avec un moi-même qui est cependant étranger à moi.Le fils n´est pas simplement sa création et n´est pas non plus sa propriété.En ce sens elle doit se dégager  du sentiment de propriété.Il y a donc dans le fait de la fécondité et dans la fonction de la reproduction humaine une séparation, une coupure qui indique que dans la structure il est inscrit un au-delà du phallus.La mère n´a pas son enfant. Elle est en quelque sorte son enfant dans une altérité au-delà d´elle-même.L´altérité du fils n´est pas celle d´un semblable.La maternité n´est pas une image en miroir, une symétrie par laquelle elle peut se mettre à la place de l`enfant.Eros certes ouvre l´avenir mais c´est par la maternité symbolique qui fait que l´autre est différent que le sujet peut advenir au temps.La maternité n´est pas simplement un renouvellement de la mère dans le fils ou sa confusion avec elle, elle est aussi l´extériorité de la mère par rapport au fils.Ainsi, la fécondité qui est une catégorie biologique renvoie à un paradoxe de sa signification puisque la reproduction humaine est et n´est pas reproduction.La maternité introduit dans l´existence une dualité dans chaque sujet, une division, une Spaltung, car le sujet est : “être et non être”, ou plutôt l´être en relation au  réel de sa radicale altérité.

 

L´infertilité.

 

A partir d´un cas clinique d´une de nos patiente et en particulier l´analyse de son fantasme fondamental,  je vous propose d´isoler le lieu du réel dans la structure.Patricia est une jeune femme de vingt-neuf ans qui se pose à un moment donné , au cours de sa cure la question du désir d´avoir un enfant.Mais elle est dans l´impossibilité physiologique d´être enceinte car elle souffre d´infertilité. En effet à partir de l´âge de dix sept ans elle a été affectée par une aménorrhée persistante entrainant le diagnostic de stérilité confirmé par les médecins spécialistes. Cette situation est vêcue comme injuste,affectée dans son être de femme, elle a l´impression de ne pas être une femme.Un sentiment de haine l´envahit, sentiment qu´elle dirige contre sa mère l´accusant d´être la victime d´un châtiment qui  touche spécifiquement la lignée féminine de la généalogie familiale.Selon Patricia une dette ancestrale a été contractée par une femme dans la famille avec le sacrifice de la vie d´une femme car une faute a été commise.Le destin l´a choisi, elle ou sa fille si elle pouvait en avoir une.Par le symptôme de l´aménorrhée elle sacrifie sa féminité mais du même coup empêche que l´enfant de l´inceste puisse naître;celui-ci serait  sollicité par le désir du grand-père.Mais le fantasme fondamental de la patiente est extrait d´une légende  latino-americaine trés populaire au Chili: “ la pleureuse “.Le contenu de cette légende raconte que la pleureuse recherche inlassablement son fils qui a disparu.Mais elle ne le retrouvera jamais.Elle pleure sans cesse la perte irrémédiable de son fils.Lorsqu´elle était enfant et qu´elle se rendait au collège, elle entendait ses plaintes et s´imaginait que la pleureuse pouvait être sa grand-mère et elle avait peur que la pleureuse ne la rapte pour remplacer son fils disparu.Ce mythe est effectivement une métaphore du fantasme de Patricia.L´analyse du mythe nous en donnera la clef.Selon Sonia Montecinos, anthropologue , la pleureuse est une jeune femme indienne qui a eu un fils d´un colon blanc;lorsque celui-ci l´a abandonnée, prise par la douleur,  elle décide de commettre l´infanticide en jetant l´enfant dans la rivière en disant: “ma mère m´a dit que le sang des boureaux ne se mélange pas à celui des esclaves.Mais quand l´enfant est tombé à l´eau il s´écria.”Ah mère! Ah mère!”A ce moment la jeune femme boulversée plonge dans l´eau afin de le sauver mais ses efforts furent vains et le courant l´emporta tandis qu´ on entendait la plainte de l´enfant.

La jeune femme désepérée devint folle à cause du cri qui ne s´effacait pas de son esprit.Depuis lors elle crie et se plaint,c´est la raison pour laquelle on l´appelle la “pleureuse”.Son esprit errant crie dans la nuit.

Le fantasme de notre patiente s´étaye sur la légende de la manière suivante:être abandonnée tel est son destin.Qu´elle s´identifie à la pleureuse abandonnée par son amant ou à l´enfant sacrifié par sa mère, la perte de objet de son désir entraine un deuil impossible à réaliser, une douleur incomensurable persiste, le sentiment de culpabilité d´une mère criminelle qui porte le poids d´une faute impardonable s´installe de facon durable chez la patiente.La figure de la mélancolie se dessine.Or la mélancolie c´est être coupable de n´avoir pas pu combler le manque de l´Autre, c´est avoir échoué à compléter l´Autre.La rétention narcissique du phallus perdu entraine dans sa  la chute la destruction du moi.

La construction du fantasme durant l´analyse a permis de mobiliser des rêves où la perte de l´enfant phallus a pu être symbolisée , l´une et l´autre fois remise à l´ouvrage ayant introduit la coupure de la castration à l´endroit du sujet et au lieu de l´Autre.

 
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